La vie syndicale héritée de l’après guerre a vécu et l’on va désormais observer l’instauration de nouvelles pratiques.
C’est une loi du 20 août 2008 « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail » qui établit les nouvelles règles.
Je vais dans un premier temps vous expliquer pourquoi la redéfinition de la notion de représentativité bouleverse le paysage syndical.
La représentativité syndicale, qu’es aquò ?
La représentativité reconnue à un syndicat lui permet de signer des accords et de désigner un délégué syndical dans l’entreprise.
Il y a un avant et un après la loi du 20 août 08 en matière de représentativité.
Ce que je vais exposer en deux parties.
Avant la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Après la guerre, il a été décidé que la représentativité des syndicats se ferait selon 5 critères :
- effectif d’adhérents
- cotisations
- l’indépendance politique
- l’expérience et l’ancienneté
- l’attitude patriotique pendant la guerre
Sur le plan national, c’est le Ministère du Travail qui détermine la représentativité. En mars 1948, la CGT, la CFTC, FO et la CGC ont été reconnues représentatives, puis en mars 66, la CFDT, née d’une scission de la CFTC.
Cette représentativité au plan national est dite « irréfragable » : elle ne peut être contestée.
Concrètement, cela veut dire que ces 5 centrales syndicales sont les interlocuteurs reconnus, et les seuls possibles, pour signer des accords interprofessionnels et applicables sur le territoire national.
Je précise que des accords peuvent être signés également par branches professionnelles (la métallurgie, l’agriculture, les transports, le bâtiment, les assurances etc.), par région (accords locaux dans les DOM par ex.), de façon mixte (le bâtiment en Ile de France par ex), ou encore, dans une entreprise (aménagement du temps de travail, intéressement, classifications, etc.).
Les syndicats ne bénéficiant pas de la présomption irréfragable de représentativité, comme l’UNSA, Sud, la CNT ou Solidaires, se voient couramment contester leur représentativité devant le tribunal d’Instance, dans les 15 jours suivant la désignation d’un délégué syndical.
Ils ne bénéficient en effet que d’une présomption dite simple : ils sont représentatifs si un tribunal d’Instance ne leur a pas dénié leur représentativité.
Ainsi, un syndicat peut être représentatif sur le plan national – une des 5 centrales – ou simplement au niveau de la branche professionnelle, ou de l’entreprise, voire d’un établissement d’une entreprise etc.
Il y a plusieurs niveaux de représentativité comme il y a plusieurs niveaux de négociation.
Jusqu’à la loi du 4 mai 2004, il était très compliqué de contester la signature d’un accord par une organisation syndicale, puisqu’il fallait contester sa représentativité : donc dans une entreprise, si on avait laissé passé les 15 jours de délai pour contester la désignation d’un délégué syndical, celui-ci pouvait facilement signer ce qu’il souhaitait sans beaucoup de recours de la part des autres syndicats (et encore moins des salariés quand il n’existait pas d’autre syndicat dans l’entreprise …).
La loi du 4 mai 2004 est venue instaurer un « droit d’opposition » : les syndicats représentatifs totalisant au moins 50 % des voix aux élections professionnelles peuvent désormais dénoncer l’accord. Je reviendrai sur le droit de la négociation dans un futur article.
Pour ce qui concerne les syndicats d’employeurs, c’est le ministère du Travail qui leur concède leur représentativité. Sont représentatifs au niveau national le Medef, la CGPME (petites et moyennes entreprises) et l’UPA (artisans).
Donc pour résumer, 5 syndicats de salariés ont une représentativité nationale irréfragable et peuvent signer tout accord national qu’ils souhaitent, tant que celui-ci n’est pas dénoncé.
Même raisonnement avec la représentativité des syndicats aux autres niveaux de négociation, que ce soit géographique, dans la branche ou à l’échelon de l’entreprise (du groupe, de l’établissement etc).
Du fait de :
- l’émergence d’autres syndicats (Sud, Unsa …),
- du faible taux de syndicalisation en France (entre 5 et 10 % et encore, en incluant la Fonction Publique),
- de la contestation de plus en plus fréquente de la « valeur » des accords (soit parce qu’ils sont signés par des syndicats dans lesquels les salariés se reconnaissent peu voire pas, soit parce que le contenu de l’accord est assez « bidon », et se contente presque de reproduire des dispositions légales)
et aussi parce que tant des leaders syndicaux, patronaux ou salariés, que les juristes ou les autorités publiques souhaitaient « fortifier » la négociation professionnelle, des suggestions pour faire évoluer la démocratie sociale ont vu le jour.
L’idée principale avancée a été d’établir la représentativité syndicale d’après le résultat des élections professionnelles, FO étant pour tout miser sur les élections prud’homales mais aussi de compter les voix des élections dans la Fonction Publique, tandis que CGT et CFDT voulaient compter les voix lors des élections au sein des entreprises (élections du comité d’entreprise et des délégués du personnel).
Par ailleurs la volonté des partenaires sociaux était également de renforcer la crédibilité des négociateurs (salariés …) en faisant en sorte que leur représentativité ne puisse être remise en cause puisque mathématiquement démontrée.
Le 31 janvier 2007, la loi de modernisation du dialogue social a dit :
« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation. »
C’est ainsi que les partenaires sociaux ont été saisis, par le gouvernement, d’une demande de concertation en vue de lois à venir sur : la représentativité syndicale, les contrats de travail (suite en particulier à la démolition par les tribunaux du CNE, « contrat nouvelles embauches », permettant de foutre à la porte le salarié sans explication pendant 2 ans), l’aménagement du temps de travail (pour permettre d’exploser les limites contraignantes de la durée du travail), le forfait jour ou heures à l’année pour les cadres (permettant de supprimer le contrôle de la durée du travail pour les cadres), et autres joyeusetés.
Le tout avec un calendrier relativement serré, ce qui explique qu’en matière de temps de travail, les partenaires sociaux n’ont pas pu (voulu ?) négocier quoique ce soit.
Toujours est-il qu’à la suite de ces concertations, il a été signé un accord national interprofessionnel sur « la modernisation du marché du travail » le 11 janvier 2008, par l’ensemble des syndicats patronaux et salariés sauf la CGT, accord ayant donné lieu à la loi du 25 juin 2008 sur la modernisation du marché du travail dont je parlerai ailleurs.
En revanche, du coté démocratie sociale et temps de travail, les partenaires, outre qu’ils n’ont pas négocié sur le temps de travail, ne sont pas arrivés à se mettre suffisamment d’accord pour signer autre chose que ce qui est appelé « position commune » du 9 avril 2008. Position commune donc des seules MEDEF et CGPME d’un coté, et CGT et CFDT de l’autre.
Et position commune qui a donné lieu à la loi du 20 août 2008.